10 mois de galère 1

Publié le par chefpolo

10 mois de galères

 

Lorsque tout joyeux et la fleur au fusil nous avons ouvert le 1 janvier dernier, nous n’avions pas prévu le tremblement de terre que cela allait provoquer dans nos vies.

Le plus difficile c’est pas le boulot, après tout, on l’a choisi et l’exercer c’est plutôt sympa qu’on soit cuisinier ou serveuse. Non le plus dur c’est la gestion, l’administratif, le personnel, la relance des clients, les négociations avec les fournisseurs, bref toute la face cachée derrière une assiette bien garnie.

Depuis que je travaille, c’est à dire depuis un temps certain, j’ai toujours considéré les patrons comme des gens à part. Maintenant que j’en suis un je n’arrive pas à m’y faire.

Lorsque travailleur j’étais, les relations patronales passaient par la négociation, éventuellement par le syndicat si ça devenait tendu, mais j’ai toujours eu du respect pour cette classe de gens et je ne m’y suis jamais vu.

J’ai pensé naïvement que la démocratie participative, les réunions, l’autonomie pouvaient faire marcher une boutique à condition de faire son boulot et ne pas empiéter sur les responsabilités de l’Autre. L’expérience montre que c’est un leurre. En effet se mettre au même niveau que l’employé, parler de la vie, lui communiquer nos problèmes, entendre les siens, accepter ses retards, rigoler pendant le service, boire des coups ensemble après le service ne résout pas le fait que la vision de l’employé soit que c’est toi le patron! T’as beau dire beau faire, t’es le patron. Et quand la crise arrive pour toutes les bonnes raisons du monde, fini le copinage, l’amitié, oublié les coups et les soirées. C’est direct la menace au prud’homme, les embrouilles.

Grande désillusion que ce rapport patron-employé au travers ce métier sans concession, toujours à la limite de la légalité, sur lequel les mots n’ont pas de valeur ni la parole donnée. Il faut tout formaliser, contractualiser, faire des avenants, négocier, se couvrir car à la fin le coup de fil anonyme à la dass ou à l’inspection du travail est courant.

Mais le personnel passe et le resto reste ouvert, contre vent et marée. La clientèle en est pour ses frais, elle cherche l’image et l’identité, se retrouve dans l’assiette, mais déserte facilement si une tête disparaît ou qu’une autre ne lui convient pas.

C’est l’autre grande leçon.

L’identité du restaurant, l’image qu’il véhicule, le propos qu’on va pouvoir rapporter ne tourne pas uniquement autour de la nourriture. Il est aisé de faire de belles assiettes bien garnies avec de bon produits et à des prix corrects. Cependant l’environnement est un facteur déterminant et la moindre anicroche une perte. On marche sur des œufs sans arrêt. Cette fragilité est d’autant plus grande que le client est un habitué. Un exemple : une bande de client venait régulièrement dîner. Ils appréciaient l’ambiance, le cadre, la musique, se sentaient bien chez nous. Un soir, un bougeoir est tombé sur un manteau en laine et la paraffine s’est répandue dans les fibres. « C’est pas grave, pensez donc, vous inquiétez pas » nous avons proposé le pressing, le dédommagement, offert le café. Ils ne sont jamais revenus. Je ne pense pas qu’ils nous en veuillent particulièrement, simplement ils ont été choqués une fois et cela suffit.

La tête qui prend les commandes, celle qui sert, celle qui prend l’argent doit être une tête qui revient au plus grand nombre. C’est con de dire cela mais le baromètre sont les pourboires. Les uns vont avoir de l’argent l’autre non. Et vas expliquer pourquoi… Cette tête à une responsabilité commerciale importante. En cours on me disait que le vendeur c’est le serveur. C’est lui qui vend un plat ou un autre, un vin ou l’autre, qui conseille, qui surveille, qui donne le rythme du repas et son ambiance. S’il ne fait pas le boulot, la maison paye : pas de parmesans avec les pâtes, mauvais point, le chou des profiteroles est froid mauvais point, on ne débarrasse les plats des amuses-bouches qu’au dessert mauvais point etc. etc. Et la tête, et les jambes, et la conversation, et le petit mot pour détendre, tout est important, tout est attendu. C ‘est dire si celui qui est en contact avec le client est primordial dans une affaire de restauration. Faire le bon choix de serveur(euse) est d’une difficulté rare. Qui est celui qui réunis les qualité professionnelles et humaine, qu’est pas un emmerdeur et qui fait bien son travail ? surtout dans un restau qui a fait de la convivialité son leitmotiv.

Mais ne nous plaignons pas, nous sommes vivant, les enfants vont bien et on aime ce qu’on fait.

Publié dans lesecuriesdelapassee

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